Peut-on encore voyager ?
Cette semaine, on discute d'un sujet un peu plus philosophique mais terriblement important : la sauvegarde du tourisme. Est-elle encore envisageable, comment s'adapter ?
Ce que tu vas découvrir aujourd’hui :
Le genre de voyageur que je suis
Mes choix de carrière dans le tourisme
Mon regard sur l’industrie
Ce que je pense du voyage
**** 🤓 Chaque semaine, je partage mes bons plans de la vie et des voyages en remote, fais le point sur ce mode de vie et dessine à tes côtés les contours du Future of Work.
Si toi aussi, tu veux changer de paradigme et gagner ta liberté tout en continuant à gérer ton business ou ton CDI, inscris-toi ! 🗽****
Je travaille dans le secteur du tourisme depuis 2005, que ce soit en freelance ou en CDI.
J’ai eu la chance de côtoyer plusieurs poids lourds du tourisme (comme Jean-Pierre Nadir, Michel-Yves Labbé ou Olivier Kervella) et de travailler pour de nombreuses entreprises (médias, TO, startups) réputées ou pionnières de leur secteur.
Au cours de ce long périple initiatique, j’ai constaté de nombreuses évolutions, inhérentes aux actualités géopolitiques et au contexte écologique.
Quand j’ai entamé ma carrière, je voyais surtout un moyen rêvé de lier ma passion du voyage à ma vie professionnelle.
En journée, je rédigeais des contenus sur des destinations, j’écrivais des guides, je notais des hôtels visités lors de voyages de presse.
En soirée, je préparais des itinéraires pour moi ou pour mes proches.
Peu m’importait qu’ils aboutissaient ou non, j’adorais fouiller, explorer, dénicher, puis dessiner les contours de mes futurs voyages.
Quand ils étaient complétés, mes itinéraires étaient millimétrés.
Je savais où dormir, où aller, comment et que faire. Il n’y avait pas de place pour l’imprévu.
Je voulais tout voir, tout faire, quitte à enchaîner des journées de visite ou de treks de 12 heures, sans pause.
Je n’avais aucune notion de bilan carbone, de responsabilité.
L’étincelle 🔥
En devenant responsable de la communication du troisième plus gros tour-opérateur de France, j’accède à une version du voyage moins authentique, plus usinée.
Ici, le tourisme de masse fait loi pour répondre à une demande galopante du voyage à tout prix.
Il faut coller à la réalité du marché.
Partir moins cher, peu importe la destination, tant qu’il y a du soleil et des activités suffisantes pour gommer l’ennui d’un farniente démesuré.
Ici, les séjours sont globalement centrés sur l’oisiveté, la facilité et le confort, saupoudrés d’un soupçon de découverte.
Avec du recul, j’admets avoir eu pendant très longtemps une sorte de condescendance pour ces vacanciers que je ne comprenais pas.
À quoi bon voyager à l’autre bout du monde pour s’envoyer des piñas coladas à longueur de journée sur des plages bondées ?
Mais en y réfléchissant, même si j’abordais mes séjours avec un objectif opposé, j’étais aussi dans cette optique de surconsommation absolue nourrie par un FOMO dévorant.
Il m’aura fallu de nombreuses années pour accepter la diversité des modes de voyage.
Certains s’en servent comme d’une échappatoire à la routine, d’un catharsis, d’autres comme un rendez-vous annuel sans prise de tête en famille.
Certains ont une soif inextinguible d’exploration, d’autres veulent retourner encore et toujours au même endroit “parce que c’est plus simple”.
Et au fond, qui suis-je pour juger ?
L’explosion 💥
Qui suis-je pour juger, quand d’autres s’en chargent à notre place ?
Pendant des années, j’ai lu des articles sur le réveil écologique, la réalité environnementale, la course vers un mur en flammes.
Pour moi, ce problème concernait surtout les entreprises, les gouvernements.
Comment est-ce-que moi, petit voyageur, je pouvais influer sur la course du monde ?
“Ce n’est quand même pas mes 3 semaines en Thaïlande ou mon city-break à Copenhague qui vont nous envoyer six pieds sous terre !”
Mais je ne pouvais plus le nier.
Aux portes de 2020, la révolte s’intensifiait sur la place publique.
Le flygskam ne devenait plus un phénomène de vie mais une philosophie de vie.
Les voyages à outrance étaient pointés du doigt, les digital nomads devenus les ennemis à abattre.
Chaque jour, on me confrontait à mes choix de vie, à ma consommation, au risque que je représentais et à mon égoïsme forcené.
Durant et après la crise de la Covid, ma réflexion personnelle s’est intensifiée.
J’ai commencé à calculer mon empreinte carbone, à me responsabiliser, à entrevoir d’autres possibilités.
Le cataplasme 🩹
Je ne vais pas endosser le rôle de l’écologiste modèle. Ce serait tellement hypocrite de ma part.
D’autres le font tellement mieux, avec un mode de vie très proche de leurs convictions (Bon Pote, Pour un Réveil Ecologique, Vanessa Nakate…).
Je représente d’ailleurs beaucoup de choses qu’ils abhorrent :
Je suis travailleur nomade
Je suis un expert du digital (marketing, growth hacking, communication…)
Je voyage plus de 6 fois par an (en essayant de supprimer au maximum l’avion)
Mon bilan carbone est supérieur à 6,5tCO2/an (inférieur à la moyenne française, mais bien au-dessus des recommandations du GIEC, équivalentes à 2tCO2/an).
D’ailleurs, pour être tout à fait honnête, je reste un fervent défenseur du tourisme.
Je continue de prôner les bienfaits du voyage et j’inciterai toujours mes proches à découvrir le vaste monde.
Tant que c’est fait avec intelligence.
Qui doit-on blâmer ?
👉 Ceux qui demandent à partir 4 jours au soleil pour profiter du soleil et enfin se reposer ?
👉 Ou ceux qui proposent toujours plus de séjours bradés, au détriment de la qualité et de la réalité environnementale ?
Tout le monde et personne à la fois.
On traverse des années sombres, peuplées d’incertitudes, de doutes, de conflits armés, technologiques et éthiques.
Alors, quand un ami épuisé me dit partir deux semaines en République Dominicaine pour décompresser, je n’ai pas envie de lui sauter à la gorge. 🤷
Quand je vois un patron d’entreprise lutter pour conserver son agence de voyages à flots, je n’ai pas envie de lui en vouloir. 🤷
Il y a d’ailleurs beaucoup d’avancées dans le secteur du tourisme, même au niveau des plus grosses entreprises, qu’il faut saluer (et qui seront notamment abordées dans le prochain post de Paradigme).
Pour autant, je suis convaincu qu’il faut repenser le tourisme. Il est encore temps d’entrevoir d’autres possibilités.
Un changement de paradigme
C’est d’ailleurs ce qui m’a poussé à devenir travailleur nomade.
J’ai une situation qui me permet de voyager autant que je veux, de composer mes journées comme bon me semble (dans la théorie), de travailler d’où je le souhaite tant qu’il y a du Wifi.
Évidemment, ce mode de vie n’est pas réplicable à l’infini.
Je ne me vois pas dire à mon frère, père de deux enfants et ouvrier chez Andros :
“Arrête tout pour vivre ta vie et sors des carcans imposés par le patronat”. 🤡
Il me rirait au nez et aurait bien raison.
Pour autant, je l’encourage, comme tout le monde, à repenser le voyage.
Si je suis devenu travailleur nomade, ce n’est pas pour enchaîner les destinations et poursuivre ma course à l’exploration.
Mais pour apprendre à prendre le temps et ne plus avoir l’impression de suffoquer en restant plusieurs jours au même endroit.
Désormais, mes séjours dans des destinations se comptent en mois, parfois en demi-années.
J’évite au maximum les transports à fortes émissions
Je réduis le nombre de voyages pour en allonger la durée.
J’ai même fini par acheter une voiture d’occasion que l’on conduit toujours à 2, pour ne plus avoir à prendre l’avion en Europe.
Les entreprises ont un rôle important à jouer sur ce volet.
Elles peuvent laisser plus d’autonomie et de liberté à leurs salariés (en leur allouant un forfait de jours de remote par an, par exemple).
✨ Tu peux d’ailleurs retrouver un guide du travail en remote en cliquant sur ce lien. ✨
Plus de temps à destination, c’est aussi plus de temps pour s’impliquer économiquement et volontairement (comme Nomads Giving Back le font en replantant des coraux, en construisant des écoles…) et véritablement s’immerger dans le mode de vie local, loin des paillettes touristiques.
Car le voyage, c’est un méli-mélo d’émotions et de sensations incomparables.
Les bienfaits du voyage
J’ai conscience que l’on me reprochera ici de dérouler des arguments visant à protéger le voyage au détriment de notre planète.
Pour autant, je suis réellement convaincu que :
💎 Le voyage est un formidable vecteur de partage et d’émotions. Comment vouloir protéger sa planète sans en avoir admiré ses merveilles ?
C’est d’ailleurs un élément de langage que je retrouve très fréquemment dans le podcast “Les Baladeurs” par Les Others.
Ceux qui sont les plus engagés sont aussi ceux qui ont traversé l’Arctique, l’Amazonie, la Patagonie, ceux qui ont rencontré des tribus en voie d’exctinction…
🚂 Il suffit de monter dans un train pour se sentir dépaysé. Un long voyage à bord du Transsibérien est probablement bien plus enrichissant et moins impactant pour l’environnement qu’un aller-retour à Punta Cana.
💰 Le tourisme permet à des dizaines de milliers de personnes de survivre dans des régions du monde qui seraient totalement esseulées sans un flux constant de voyageurs. Se pose alors la question éthique et économique de leur destin en cas d’arrêt total du tourisme long-courrier.
🐓 Le tourisme de proximité a de beaux jours devant lui. Nous avons la chance de vivre dans un pays fabuleux, aux écosystèmes variés. J’en ai fait l’expérience cette année en (re)découvrant la Corrèze, l’Oise, l’Isère ou le Var. Clairement, nos paysages n’ont à rougir d’aucun autre.
🌱 La mise en place de quotas (même poussés à l’extrême) permettrait de redonner vie à des lieux dévastés par le tourisme de masse, comme c’est déjà le cas en Thaïlande, au Pérou, en Espagne ou à Amsterdam.
Nous ne sommes plus dans une période de transition.
Nous ne pouvons plus nous permettre d’attendre, de rejeter la faute sur les autres.
À nous d’apprendre à nous réapproprier notre passion du voyage, à la transformer et à la modéliser pour qu’elle puisse nous accompagner dans la décroissance et conserver cette magie inimitable.
Si tu veux débattre de la question, laisse-moi un commentaire ou connecte-toi à mon profil Linkedin.
J’essaie toujours de répondre rapidement. 🏎️
Merci d’encourager mon travail en me lisant chaque semaine et en partageant mon travail autour de toi,
Bonne semaine,
Théo