🍃 Greenwashing dans le tourisme : exemples et astuces pour le déceler
Le greenwashing est inhérent au tourisme. Vous y êtes exposés à chaque réservation de séjour ou signature de partenariat. Voici quelques astuces pour le reconnaître et l'éviter :
Temps de lecture : 8 minutes, un peu plus avec les sources
🔍 Ce que tu vas découvrir aujourd’hui :
La définition du greenwashing
Ses grands principes
Les quatre grandes familles du greenwashing dans le tourisme…
… et comment les déceler en tant que consommateur / professionnel
Les sanctions prévues sur la loi
s’il faut forcément cracher sur le greenwashing
Il y a deux semaines, je revenais sur les bases du tourisme responsable. Ce court dossier servait surtout d’introduction à notre décryptage du jour : le greenwashing dans le tourisme.
Depuis la crise sanitaire, les chiffres s’envolent.
Selon des études récentes :
80% des jeunes interrogés pensent que la situation est très préoccupante ou dramatique et qu’il est urgent d’agir pour le climat (Source)
79 % des Français seraient préoccupés par l’environnement (Source)
66% d’entre eux limitent ou aimeraient limiter l’impact environnemental de leurs vacances (Source)
12 % ressentiraient de la honte en prenant l’avion (Source)
Si ces chiffres sont parlants, j’imagine qu’ils donnent aussi envie à certains services marketing de multinationales d’innover et de s’engager… pour encaisser. 🤑
Chaque année, de très nombreuses startups se lancent, désireuses de révolutionner le tourisme et de proposer des solutions alternatives.
Entre toutes ces entreprises, il est parfois difficile de faire le tri (poubelle jaune pour les idées en carton ?).
À la fin de la lecture de ce nouveau numéro de Paradigme, vous serez en mesure de déceler les relents de greenwashing et de sélectionner des partenaires vraiment engagés pour la pérennité du secteur et la préservation de l’environnement.
PS : Je n’évoque pas le sujet de l’avion vert, qui mériterait une newsletter entière, rédigée aux côtés d’experts de la question (ce que je ne suis pas). A voir pour un prochain numéro, si des lecteurs avertis sont prêts à m’aider sur le sujet.
**** 🤓 Deux fois par mois (sauf en été), je fais le point sur le secteur du tourisme, je vulgarise les innovations techniques, je parle de voyage et de Future of Work.
Pour comprendre tous les enjeux du futur du tourisme et faire le plein d’inspirations voyage, abonnez-vous ! 🗽****
Le greenwashing, c’est quoi ?
[Pour l’anecdote, greenwashing se traduit par écoblanchiment en français. D’un coup, on quitte le domaine de l’expression tendance pour sentir les relents crapuleux d’un délit éthique et économique, non ?]
En bref, le greenwashing est une pratique de communication trompeuse utilisée par des entreprises, des organisations ou des individus pour se donner une image de respect de l'environnement plus favorable qu'elle ne l'est réellement.
Dernier gros exemple en date, hors tourisme : Burger King qui se la jouait sauveur de l’humanité en communiquant, à grands renforts de 4×3 dans les villes, son innovation de remplacer la vaisselle jetable par de la vaisselle réutilisable.
Heureusement, quelques citoyens et collectifs consciencieux ont rapidement rappelé au géant du fast-food qu’il ne faisait que de se plier à la loi Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire, entrée en vigueur le 1ᵉʳ janvier 2023. Celle-ci stipulant que “la vaisselle jetable est interdite dans les établissements de restauration rapide servant plus de 20 couverts simultanément, pour tout ce qui est consommé sur place”.
Le greenwashing dans le tourisme : les grands principes
Évidemment, cette course à la désinformation concerne toutes les entreprises.
Lufthansa, par exemple, promettait de “connecter le monde pour protéger son futur”.
Une affiche qui n’a pas particulièrement plu aux régulateurs belges et britanniques, qui ont demandé à la compagnie aérienne de retirer toute campagne publicitaire à ce sujet.
On pourrait aussi citer TUI et sa tentative de rendre un peu plus vert son logo, en y rajoutant un p’tit bout de feuille l’air de rien.
(Pour rappel, TUI, c’est jusqu’à 27M de clients annuels et 180 destinations desservies).
L’équation du greenwashing est relativement simple.
Une campagne engagée pour la planète = plus de mémorisation publicitaire et d’affinité pour un univers de marque = plus de clients potentiels et de chiffre d’affaires…
Le tout, sans réellement opérer les efforts pour devenir une marque écoresponsable. 😤
Pour vous simplifier la tâche, séparons en quatre grandes familles les pratiques habituelles de greenwashing dans le tourisme.
Comment déceler le greenwashing dans le tourisme ?
1. La compensation carbone 🏭
C’est le grand classique et l’argument préféré des compagnies aériennes et des gros tour-opérateurs du secteur.
“Voyage à mes côtés et je planterai des arbres pour te remercier et alléger ta (et notre) conscience”. 😇😈
Bon, ce n’est pas ce qui est écrit sur les moteurs de réservation, mais c’est plus ou moins ce qu’il faut parfois lire entre les lignes.
En soi, la compensation carbone n’a absolument rien de péjoratif, bien au contraire. Les intentions sont louables, mais les grands principes ont considérablement évolué. On préfère d’ailleurs aujourd’hui le terme de contribution carbone.
L’Oxfam a d’ailleurs mis en évidence, dans un rapport de 2021, les impacts négatifs engendrés dans les pays hôtes des projets.
Globalement, le système reste totalement opaque pour le grand public.
Alors, comment s’assurer que le projet de contribution carbone est correctement mené ?
➡️ Pour faire simple, il suffit de vérifier que le projet soutenu est certifié par une norme internationale, à l’instar de Gold Standard, Plan Vivo, VCS (mandaté par l’ONU), Climate Action Reserve ou un label national.
➡️ S’assurer de l’additionalité, de l’impact social et de la mesurabilité d’un projet. Généralement, les voyagistes conscencieux illustrent leurs efforts avec transparence, comme le font très bien Voyageurs du Monde, ici.
Si le sujet vous intéresse, dites-le-moi en commentaires ou sur LinkedIn. Je pourrais consacrer un numéro au business de la compensation carbone et aux modèles vertueux déjà existants.
2. Les discours écoresponsables 🗣️
“Notre hôtel s’engage à bannir le plastique à usage unique à destination”,
“nous ne travaillons qu’avec des locaux”,
“nos produits sont sourcés chez les artisans du coin”,
“nous recyclons tous nos déchets”.
Dans la plupart des cas : 🙄🙄🙄🙄
Pour vulgariser à l’extrême, il existe deux cas de figure :
Les acteurs les plus connus du tourisme : Pour survivre et s’adapter aux contraintes, ils doivent surfer sur la vague de l’engagement écologique, avec plus ou moins d’envie. Souvent, des membres du board ou une partie des équipes sont véritablement concernées par les enjeux environnementaux. Depuis la crise du Covid, les comités RSE se multiplient, avec plus ou moins d’efficacité.
Pour eux, difficile de ne pas s’engager. Ils sont soumis à des contrôles constants. Même si leur pouvoir politique est fort et que leurs contacts sont puissants… leur marge de manœuvre pour continuer de polluer avec la conscience tranquille reste faible. D’ailleurs, un bad buzz écologique n’est pas très bien vu par le grand public. Et le grand public, c’est l’argent.
Les structures indépendantes : la direction est réellement impliquée dans la sauvegarde du patrimoine naturel, consciente des chantiers majeurs à lancer et pleine de bonnes idées. Ou à l’inverse, uniquement désireuse d’appâter le voyageur écolo. Et ce, que l’on parle de campings populaires ou d’écolodges de luxe.
Dans ce cas précis, Hugo Clément vient de l’illustrer avec horreur sur son compte Instagram, montrant une décharge à ciel ouvert dans l’arrière-cour d’un éco-hôtel 5 étoiles à Bali.
Alors, comment s’assurer que mon acteur du tourisme préféré s’engage réellement pour un tourisme durable ?
➡️ Étudiez la sémantique. Un vrai professionnel du tourisme durable ne parle que rarement de tourisme durable. Il préfère spécifier, devenir expert de son segment. Tourisme éthique, tourisme solidaire, agritourisme, slow travel… De même, s’il tente de verdir à l’excès ses textes, ça sent moyennement bon.
➡️ Épluchez leurs médias, des réseaux sociaux aux communiqués de presse. Si les efforts ne vous semblent concentrés que sur une partie de l’année (qui colle étonnamment aux temps fort de communication), jamais illustrés ou flous… c’est qu’il y a probablement anguille sous roche.
➡️ Détaillez les propositions, cherchez plus loin que ce qu’ils annoncent. Avant de réserver, contactez-les et posez-leur directement la question de leur engagement, chiffres à l’appui. S’ils compensent, à quelle hauteur et pour quels projets ? S’ils ont banni les matériaux à usage unique, quelles sont les solutions de remplacement ? S’ils recyclent, comment cela se passe-t-il concrètement ? S’ils refusent de vous répondre, c’est peut-être par pure humilité… ou manque d’engagement.
➡️ Dans le cas de groupes aux marques diversifiées, consultez rapidement toutes les politiques d’engagement et constatez l’homogénéité des efforts. Tout le budget RSE peut être concentré sur une marque unique, au détriment des autres marques qui pérennisent un modèle difficilement viable pour la planète.
➡️ Consultez les déclarations des porte-paroles, directeurs marketing, CEO. S’ils sont réellement motivés par leurs engagements, le discours est naturel, appuyé par des chiffres. Il transpire dans tout l’univers de marque… et logiquement, dans les déclarations.
3. Les labels 🏷️
Entre les macarons douteux et les labels plus ou moins fumeux, les consommateurs sont continuellement exposés à des recommandations… sans avoir les ressources nécessaires pour en contrôler l’efficacité.
Pour les moins scrupuleuses des entreprises, il suffit de monter un dossier (très) relativement correct et de reverser un chèque annuel pour obtenir le précieux sésame.
Alors, comment s’assurer que le label de ma plateforme préférée est viable ?
➡️ Concentrez-vous sur les labels et les certifications les plus renommés dans le tourisme : B Corp, ATR, le Label tourisme équitable, La Clef Verte, Green Globe, Gîte Panda, Bio Hôtels, label Biosphère…
Un bon label doit : réaliser un premier audit, faire parvenir des points d’amélioration, engager sur des modifications structurales (si besoin), assurer un suivi et réalsier de nouveaux audits année après année, assurer des formations en interne…
Évidemment, il est nécessaire de faire la part des choses. De nombreux labels se créent chaque année, avec plus ou moins de rectitude morale.
Parmi les petits nouveaux porteurs d’espoir : le Pact for Wildlife, centré sur la conservation et la protection des espèces animales exploitées par les destinations.
4. Le volontourisme 🤝
Imaginez un monde dans lequel des entreprises exploiteraient la misère sociale pour gagner de l’argent… Oh, wait !
Le volontourisme, c’est une forme de voyage où des individus choisissent de consacrer une partie de leur temps à des activités bénévoles ou humanitaires.
Quand c’est bien fait, c’est évidemment génial. Mais avec l’explosion du nombre d’acteurs impliqués sur le sujet et les tarifs pratiqués (le volontariat coûte ironiquement très cher), les dérives s’empilent.
Parmi elles, un exemple absolument immonde, tiré d’un article du magazine Geo et raconté par Caroline Mignon, ex-directrice de l’Association pour le Tourisme Equitable et Solidaire (ATES) et présidente actuelle d’ATD (Acteurs pour un Tourisme Durable).
"Dans certains villages, on voit se multiplier des puits construits par des étrangers, et on en trouve parfois quatre ou cinq dans les jardins des locaux. Et la plupart ne marchent pas", se désole Caroline Mignon. De "faux orphelinats" ont fleuri, dans lesquels les enfants, arrachés à leurs parents, servent uniquement à satisfaire le désir des touristes de venir en aide aux populations locales, d’après l’Unicef”.
Alors, comment s’assurer que mon projet de volontourisme n’est pas destiné à assouvir la cupidité d’individus mal intentionnés ? (de plus en plus longues, ces questions).
➡️ Demander un compte rendu précis des actions entreprises à destination
➡️ Privilégier des organismes transparents sur la répartition des revenus
➡️ Préférer apporter son aide aux organisations internationales déjà déployées sur un territoire plutôt que de financer de sombres acteurs récemment émergés
Le greenwashing est-il sanctionné par la loi ?
Dans la théorie, oui. Encore mieux, de nouvelles sanctions concernant la neutralité carbone ont vu le jour en 2023. Selon la loi :
Le greenwashing est une infraction passible de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 300 000 euros (article L.132-2 du code de la consommation).
En cas d’infraction relative aux allégations de neutralité carbone, l'entreprise risque une amende de 100.000 euros, voire la totalité du montant des dépenses marketing consacrées aux campagnes sanctionnées.
Dans la pratique… pas tellement. 🤦
Les condamnations sont encore rares. On pourrait citer la FIFA et sa promesse d’organiser une Coupe du Monde au Qatar neutre en carbone, ou Total, en cours de jugement pour des pratiques commerciales trompeuses.
Mais les sanctions encourues sont trop éloignées de leur pouvoir économique.
Dans le cas de Total, le jugement ne devrait d’ailleurs pas être rendu avant plusieurs années. Quant au montant de l’amende, il sera probablement à des années-lumière d’effrayer le board de Total.
Faut-il haïr le greenwashing ?
On aurait forcément envie de répondre par l’affirmative, pas vrai ?
En tout cas, quand il sert uniquement à réaliser les desseins économiques d’une entreprise, sans action concrète mise en place.
En fait, on touche à un questionnement plus philosophique, qui tend à éluder le raisonnement manichéen.
📌 L’évidence : il est impératif de s’engager au quotidien pour apporter des solutions pérennes, à tous niveaux.
📌 L’effet positif collatéral : en donnant l’impression de s’intéresser au problème, les enseignes mettent aussi en lumière cette évidence. Et participent donc au débat et à la mobilisation citoyenne. Quant au reste, c’est à la justice de faire son boulot.
Par ailleurs, de très nombreuses PME, pourtant bien intentionnées, tentent de communiquer sans en avoir les moyens ou les codes.
En résulte des campagnes maladroites, en demi-teinte, ne faisant qu’effleurer un sujet ou se retournant contre leurs commanditaires, conspués par les plus engagés.
Sans service adapté, sans budget déployé pour sensibiliser et mettre en œuvre les actions, il est parfois difficile d’emprunter le bon chemin.
Il est clair que nous n’avons plus le temps de palabrer. La crise est déjà là.
Mais plutôt que de rajouter au brasier environnant, privilégions la pédagogie pour ceux qui savent écouter.
C’est d’ailleurs ce que font quotidiennement de nombreux acteurs du tourisme, comme la Fresque du Climat, ATD, ATR, Globethik, les consultants d’Away We Go ou de Respire…
D’ailleurs, des startups françaises se sont déjà emparées du sujet avec brio et prouvent que l’on peut gagner de l’argent tout en œuvrant pour le bien :
Tu trouveras un listing non-exhaustif ici :
C’est la fin de ce numéro.
Tu aimerais que j’aborde un sujet en particulier ? Tu souhaites compléter ce guide du greenwashing dans le tourisme par ton expertise ou ton expérience personnelle ?
Laisse-moi un commentaire ou contacte-moi sur LinkedIn, comme d’autres lecteurs le font gentiment depuis les débuts de Paradigme.
Toutes vos remarques et vos encouragements m’aident à améliorer la qualité de Paradigme et à continuer d’apporter, en toute humilité, un peu de recul sur les tendances du tourisme.
Le prochain numéro sera encore consacré au tourisme durable… mais avec un regard innovant qui mérite qu’on s’y intéresse (pas le mien, je te rassure).
On se dit à très vite ?