🎯 Fred Lizée : vie d'entrepreneur, décryptage du secteur et point sur le marché du travel (Interview)
Paradigme reçoit Fred Lizée, fondateur du NEC, consultant Biz Dev, co-fondateur du collectif Away We Go, aventurier, mannequin, père de famille… Un palmarès presque aussi bavard que lui !
⌛ Temps de lecture : 9 minutes
🔍 Ce que tu vas découvrir dans ce numéro :
L’histoire du NEC, avec ses défis, ses ambitions et ses challenges
Les coups d’avance du marché anglo-saxon
Les difficultés d’entreprendre en France
La situation du marché de l’emploi dans le travel
La place du freelance dans le tourisme (à la mi-2024)
Fred, c’est l’entrepreneur qui court partout. Si son palmarès entrepreneurial et professionnel est international, son discours, lui, ne va pas par quatre chemins. Après de longues années de salariat à l’international et en France, il a fini par fonder le New Explorer Challenge (NEC) et le collectif Away We Go, deux projets visant à redynamiser le secteur du tourisme et à disrupter nos façons de travailler. 15 ans après ses premiers pas dans le tourisme, il raconte ses projets, sa vision du marché du tourisme et du freelancing.
Cette interview est découpée en trois parties. La première sera consacrée à son bébé, le NEC. Fred Lizée raconte ensuite son aventure entrepreneuriale avant de faire le point sur le marché du travail et du freelancing en France.
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Le New Explorer Challenge, former les pros du tourisme de demain au terrain
🎙️ Est-ce-que tu peux me décrire le NEC en quelques lignes ?
💬 D’un point de vue très subjectif, c’est un projet passion. C’est ce que j’ai au fond de moi, dans mes tripes. Le NEC - marque déposée depuis 2020 - concrétise ma vision et ma passion du voyage.
C’est un challenge national qui récompense chaque année des projets innovants de voyage immersif responsable, conçus par des étudiants, sélectionnés et élus par des experts du tourisme.
Les meilleures équipes ont la chance de tester et de mettre en place leur itinéraire à destination. Certains participent par la même occasion au tournage d'un film documentaire de voyage.
Les gagnants de chaque édition ont aussi l’opportunité de commercialiser leur séjour auprès des partenaires qui accompagnent le concours.
🎙️ Quel est ton rôle lors du NEC ?
💬 Je sers de mentor. Je mène des interventions dans les écoles participantes, 4 mois par an.
Mon niveau d’intervention dépend des organisations internes des écoles. Deux cas de figure existent :
Je gère l’intégralité des rôles, dont ceux d’animateur, annonceur, coach lors de sessions de travail tenues sur 3 jours, comme à l’ESTUA d’Angers.
J’officie pour des écoles dont le réseau national est hyper structuré, comme c’est le cas avec les Business Games de Tunon. Là, des profs suivent leurs progrès en interne et se chargent de l’organisation jusqu’à la finale régionale. J’interviens à la toute fin, lorsque les meilleures teams accèdent aux phases finales.
🎙️ Quelles sont les limites des projets étudiants ?
💬 Ils partent d’une demande précise, avec un cahier des charges spécifiques. La grille de critères évolue chaque année.
Quant à la grille de notation, elle est officielle et inspirée de mon parcours avec Intrepid Travel et de mes sessions de formations, notamment auprès du Global Sustainable Tourism Council, de la Fresque du Tourisme ou de la Fresque du Climat, dédiées à approfondir mes connaissances en matière de tourisme durable.
J’ai formalisé une grille d’analyse que j’ai fait valider par des experts du tourisme responsable, comme le président d’Agir pour un Tourisme Responsable (Julien Buot) ou la direction des équipes pédagogiques des écoles concernées.
🎙️ Pourquoi se concentrer sur la nouvelle génération ?
💬 En 2020, il y avait un vrai besoin.
J’ai créé 3 cours / séminaires sur le tourisme d’aventure responsable, le développement de réseau à l’international et la production de voyages.
Ces cours existaient déjà, mais assez old fashioned. J’ai surtout tenu à leur donner un cadre international avec des « best practices » d’opérateurs pionniers du voyage responsable sur les marchés anglo-saxons
A force d’enseigner dans les écoles, j’ai eu cette envie de faire une compétition nationale au lieu de me cantonner à de petits ateliers.
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🎙️ Quelles sont les next steps du NEC ?
💬 J’aimerais accompagner un projet par année et récompenser davantage d’équipes en les envoyant sur le terrain. L’objectif est d’avoir au moins 5 équipes récompensées d’une bourse, qui vont pouvoir développer leur projet en parallèle de leur campagne de crowfunding.
Les voyages créés par les étudiants seront commercialisés par les sponsors concernés et développés après une vraie phase de repérage sur le terrain.
Il y a aussi un vrai potentiel de diversification, du côté du côté des AGV déjà en place et des pros du tourisme. Un projet est d’ailleurs en cours de développement, sur la thématique du voyage accessible
“L’idée est de commencer (le développement du NEC) au Bénin, puis de continuer sur l’Afrique de l’Ouest, avec la Côte d’Ivoire et le Sénégal.”
Sinon, j’ai toujours été transparent, sans aucun problème à communiquer sur des projets ambitieux, même s’ils ne réalisent pas.
Récemment, j’ai trouvé un partenaire au Bénin (Richnel Agazounon). On est en train de monter l’opération NEC à destination pour sensibiliser la jeunesse africaine.
L’idée étant de commencer au Bénin, puis de continuer sur l’Afrique de l’Ouest, avec la Côte d’Ivoire et le Sénégal. J’ai déjà eu un entretien très positif avec l’agence de promotion touristique du Bénin, rattachée au ministère du tourisme et à la présidence.
Ça rentre dans le cadre d’une vraie stratégie de développement.
🎙️ Comment se passe la recherche de sponsors ?
💬 La rémunération du NEC, perçue lors des prestations dans les écoles et les universités pendant 3-4 ans a été réinvestie dans la communication, le repérage et la production de films documentaires.
En parallèle, j’ai réussi à tenir ma promesse initiale, dès 2021, en emmenant les premiers vainqueurs du challenge en Colombie, à la suite de leur belle campagne de crowdfunding.
Une fois que la transition sera pleinement opérée, le business model du NEC peut s’exporter à l’international.
Automatiquement, quand un projet sensibilise et va jusqu’au bout, ça fait la différence. Les appels se sont succédé.
D’abord, avec Eric Balian, DG de Terres d’Aventures, qui a sponsorisé le projet de NEC 2022. Ensuite, avec Altaï Travel et Vaolo en 2023.
Les premiers ont supporté le projet international tandis que les seconds ont offert une seconde bourse pour un projet de voyage bas carbone en Europe, boostés par la visibilité apportée à leur marque employeur.
Et cette année, pour la première fois, le NEC va peut-être débloquer un partenaire plus durable, avec Nomade Aventure
📣📣 En 2025, l’équipe Cosmovision emmène le NEC en Bolivie. Au programme, un trekking inédit au coeur de l’Amazonie et une immersion dans la communauté des Uchupiamonas.
Devenez partenaire en finançant une partie du projet, débouchant sur la production d’un film documentaire accompagné par Alexis Lopez. 📣📣
🎙️ On te voit souvent avec d’autres créateurs de contenu… comment tu les as rencontrés ?
💬 Il n’y a pas de stratégie, ni de budget pour des opérations influenceurs. Ce sont surtout des opportunités de relation, permises par nos amitiés.
Quelle que soit la mission, je suis passionné par le networking. J’adore faire les salons, représenter une marque et connecter la nouvelle génération avec les pros déjà bien installés.
Le NEC va bien au-delà des bourses et de la commercialisation grâce à sa dimension professionnalisante.
Pour l’édition 2024, l’équipe d’Eaudyssée emmenait le NEC au Népal, avec Anthony Verlaine (The French Adventurer).
En 2025, place à Alexis Lopez pour la Bolivie, avec un rôle de coach en écriture du film et stratégie de diffusion.
Il sera co-réalisateur et va driver toute le script de la vidéo. En espérant pouvoir convaincre des festivals qui assureraient la diffusion du film.
Le film en Bolivie sera 5x plus qualitatif que le Népal, grâce à l’expérience d’Alexis qui a déjà bossé pour Canal + et autres grandes chaînes d’émissions et de documentaires télé.
Entreprendre en France, une vraie aventure
🎙️ Qu’est-ce-qui te plaît tant dans le networking et la prospection ?
💬 Quand tu rencontres de nouvelles personnes, rattachées au tourisme et au voyage, tu rencontres aussi de nouvelles cultures.
Quand j’étais le directeur sourcing d’Evaneos, pendant 3 ans, j’ai vécu mon expérience salariale la plus enrichissante et épanouissante. J’étais ambassadeur de la marque BtoB, avec plus d’une vingtaine de salons partout dans le monde.
J’ai pu représenter une marque disruptive avec de belles valeurs, découvrir de nouveaux univers et participer à révolutionner le monde du tourisme.
L’axe personnel et l’axe business se croisent, au carrefour de belles amitiés qui se créent et des KPIs à atteindre.
“ Le marché est très concurrentiel.
J’ai trop d’amis et de connaissances qui se sont brûlées les ailes. “
🎙️ Tu n’as jamais eu envie de créer ta propre agence de voyages ?
💬 En sortant d’études, je me suis posé la question avec ma compagne (Chloé Lizée, consultante en production de voyages).
On a toujours eu la conviction d’avoir les compétences et le réseau pour monter une agence. A terme, je pense que le NEC a le potentiel de devenir une agence qui peut commercialiser ses propres séjours.
Pour le moment, je n’ai pas envie de prendre autant de risques financiers. Le modèle de distribution vers des partenaires et des TO me convient parfaitement.
Le marché est très concurrentiel. J’ai trop d’amis et de connaissances qui se sont brûlées les ailes.
Si tu n’as pas une notoriété ou des millions d’investissements pour faire ressortir ta marque et aller chercher du trafic BtoC, c’est compliqué. Tant que je n’ai pas cette capacité financière, je reste solopreneur.
🎙️ Toi qui as connu le tourisme à l’international et celui en France, quelles sont les différences que tu as pu noter ?
💬 Ce qui a drivé mon parcours et mon partage d’expérience est beaucoup plus inspiré par les modèles anglo-saxons.
Lorsque je travaillais sur la zone Asie, des années plus tôt, EXO Travel avaient des valeurs et une charte hyper identifiée avec une politique de tourisme durable très marquée.
“ Les anglo-saxons vont plus loin dans le développement personnel et sont bien plus à cheval et pointus sur la dimension RSE. “
Tout est communiqué en interne, auprès de toutes les parties prenantes, incluant les guides locaux. Ils ont réussi à développer une communauté de guides quasiment exclusifs, hyper importante dans le succès de l’expérience voyageur.
J’ai vécu la même chose lors de mon passage chez Intrepid Travel, en Australie. Ils bossaient avec plus de 1600 collaborateurs internationaux, dont une large proportion de guides bien formés.
C’est pareil sur le domaine de l’immersion et de l’aventure. Les anglo-saxons vont plus loin dans le développement personnel et sont bien plus à cheval et pointus sur la dimension RSE.
Chez Intrepid, j’ai passé une semaine à lire tous leurs guides et rapports. Clairement, les axes health and safety et child policy sont bien plus développés que ce qu’on peut voir chez nous.
Ne serait-ce que sur la question de l’écovolontariat. Les Français vont avoir tendance à te proposer de visiter des écoles, voire des orphelinats, et les asiatiques ou les marchés émergents maintiennent les treks à dos d’éléphants. C’est un no-go pour une bonne partie des acteurs touristiques des pays anglo saxons.
Il y a une vraie question de mentalité, rattachée à la culture du voyage propre à chaque marché.
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🎙️ Pourquoi ça bloque, en France ?
💬 D’après un sondage post Covid, mené par l’ATTA (Adventure Travel Trade Association), la non-prise de décision et la réticence à entreprendre et à investir dans les politiques de tourisme durable sont :
le manque de temps
manque de connaissance
le manque de budget.
C’est ce qui transparaît sur le marché français. Des startups se positionnent directement sur ce créneau et sont bien plus rapidement abouties sur le sujet que des acteurs traditionnels en pleine inertie.
Certaines entreprises inspirantes et engagées ont capitalisé sur le temps offert par la crise sanitaire pour former leurs équipes et passer leurs certifications, comme ce fut le cas avec Evaneos pour BCorp, en incluant leur réseau international d’agences locales
Le marché du travail et le freelancing dans le tourisme
🎙️ Quel est ton regard global sur le marché du travail ?
💬 Les métiers évoluent. Les startups de la Travel Tech proposent de nombreuses offres d’emploi intéressantes, valorisant la diversité des profils du digital et de la tech.
En revanche, depuis le Covid, il y a une difficulté des entreprises à recruter sur de l’entrée de postes. C’est notamment le cas sur les métiers de la vente.
Aussi, y a une fuite des talents vers d’autres secteurs. Tous les RH font part de cette difficulté à rendre les métiers plus attrayants. D’où notre rôle auprès de la jeune génération.
🎙️ Il y a quelques semaines, tu publiais un post LinkedIn enflammé sur le remote en France*. Tu peux m’en dire plus ?
💬 Depuis 6 mois, il y a un vrai recul sur le rapport au télétravail, les missions à distance et le besoin de freelances. Les entreprises font moins confiance aux gens en province.
Pour les seniors expérimentés qui refusent de vivre à Paris, il y a une vraie difficulté à trouver un emploi. C’est extrêmement frustrant.
Malheureusement, ça s’étend aussi à la province.
Prenons l’exemple des startup de la traveltech basées à Annecy - the new place to be - qui ont un superbe potentiel entre leur positionnement, leur attractivité et leur démarche responsable.
Toutes les conditions sont réunies pour attirer et fidéliser de bons profils expérimentés. Malheureusement, même eux vont chercher des candidats basés sur place, ou prêts à emménager à Annecy.
Ça réduit le spectre de recrutement à des employés juniors ou des salariés sans enfants.
🎙️ Pourquoi avoir cofondé un collectif de freelances spécialisé dans l’univers du tourisme ?
💬 En 15 ans, malgré les crises et les challenges, je reste passionné de tourisme et je ne me vois pas du tout exercer un autre métier.
Avec Olivier (Charmes) et Chloé (Lizée), on y a vu une opportunité. Un collectif spécialisé sur notre secteur n’existait pas.
Durant la Covid, il y a eu une émergence des profils du travel qui se lançaient en indépendants, comme des producteurs de voyage. On a beaucoup discuté avec les premiers d’entre eux.
“J’ai envie d’exporter la façon anglo-saxonne de travailler sur le marché français.”
Away We Go est né d’une volonté fédératrice et de l’envie de revaloriser et améliorer la perception du statut de freelance dans le tourisme.
On souhaite rassembler tous les bons profils indépendants, peu importe leur statut d’entreprise.
L’idée est de mutualiser les réseaux, partager les outils, les connaissances et pouvoir s’associer sur des missions qui nécessitent des profils complémentaires.
Globalement, je me suis associé à la création du collectif pour participer au disruptive mindset glané chez Evaneos et les autres startups tech pour lesquelles j’ai travaillé à l’international.
J’ai envie d’exporter la façon anglo-saxonne de travailler sur le marché français.
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🎙️ As-tu remarqué une tendance globale sur le freelancing dans le tourisme ?
💬 Depuis 6 mois, on a noté une évolution de la demande avec des besoins principalement axés sur le marketing digital.
C’est moins le cas sur la production en remote, externalisée. Les TO ont commencé à réintégrer les équipes en salariat.
Quels sont tes conseils pour se lancer en freelance ?
💬 Je vais te dire la même chose que je disais aux étudiants de l’ESCAET.
Il faut avoir un bon réseau. Si tu as travaillé pendant plusieurs années en tant que salarié dans un ou plusieurs univers, tu auras plus de facilité à développer ton carnet pro.
La prospection est challengeante. Tu auras besoin d’être très autonome, notamment sur la partie administrative.
Le télétravail n’est pas fait pour tout le monde. Être en full remote et ne voir personne tout au long de l’année, c’est invivable. Multiplie les coworkings, les évenements de networking, les salons et profite-en pour échanger un maximum.
Développe un socle de compétences spécifiques, suffisamment uniques pour te démarquer.
Sois à l’aise avec les réseaux sociaux. C’est un formidable canal de diffusion, qui favorise l’échange et réduit l’esseulement.
Rejoins des regroupements de freelances, comme Away We Go, échange avec tes pairs et mutualise tes compétences.
Si l’interview t’a plu, rejoins les 19K abonnés de Fred sur son compte LinkedIn où il partage régulièrement ses actus et son point de vue.
⬇️ Si tu as des questions à lui poser, des commentaires à faire ou des réactions à partager, on se retrouve en commentaires.
🫶 De mon côté, j’en profite pour vous remercier d’être toujours plus nombreux à suivre Paradigme et à m’envoyer des messages directs sur LinkedIn pour me faire part de vos commentaires toujours très motivants.🫶
📅 Pour la suite du planning, avec l’arrivée de l’été, je vais probablement lever le pied.
Attendez-vous à recevoir 2 nouveaux numéros d’ici à la rentrée (dont un hors-série, plus inspirationnel sur le voyage), avant de repartir de plus belle.
Prenez soin de vous et à très vite ✌️
Théo