🚲 Chemins : la voie du slow travel avec Alexandre Le Beuan (interview)
Paradigme reçoit Alexan Le Beuan, co-fondateur de Shanti Travel... et de Chemins ! Cette nouvelle offre touristique vous invite à prendre votre temps à vélo électrique sur les sentiers de la Provence.
⌛ Temps de lecture : 7 minutes
🔍 Ce que tu vas découvrir dans ce numéro :
La genèse d’une nouvelle agence de voyages à mission
Le regard d’Alexandre Le Beuan sur le slow travel
L’éloge de la lenteur
Un projet qui va te donner envie de pédaler au soleil
Des routes du Népal et de l’Inde qu’il a parcourues en famille, aux sentiers ensoleillés de la Provence, Alexandre Le Beuan a parcouru plus d’un chemin. Que ce soit dans sa vie perso ou pro, le co-fondateur de Shanti Travel a su relever la tête du guidon pour plonger dans les méandres du slow travel.
Entre réveil écologique, dissonance cognitive et volonté de transmission, est née Chemins, sa nouvelle agence de voyages à mission.
Etablie pour le moment dans le Sud de la France, elle participe à la dynamique des territoires et invite à renouer avec “les grands espaces, la lenteur, la liberté, les plaisirs simples et les rencontres uniques”.
Partez à la découverte de l’Ardèche, de la Drôme Provençale ou du Vercors en vélo électrique, à la rencontre de ses artisans locaux.
Grâce à l’application mobile de Chemins, vous avez accès à :
votre itinéraire visuel et vocal, même hors connexion
votre carnet de voyage
leurs bonnes adresses de restos, cafés, artisans, producteurs
les sites nature et patrimoine
les rencontres, dégustations et ateliers créatifs programmés avec des acteurs du territoire sélectionnés par Chemins
votre hébergement par étape
J’ai eu envie d’en savoir un peu plus sur la genèse de Chemins, son développement et l’état d’esprit d’Alexandre Le Beuan.
Il a gentiment accepté d’être l’invité de Paradigme :
🎤 Plusieurs fois par an, Paradigme donne la parole aux entrepreneurs du tourisme.
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Je vulgarise toutes les deux semaines des sujets actuels du tourisme et ses innovations technologiques (IA, tendances, outils, startups…)
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🎙️ Peux-tu revenir sur la création de Chemins ? Comment es-tu passé de l’Asie à la France ?
💬 Notre fille est née en 2015. Elle a vécu 4 ans à Bali. Ce fut ma première grosse claque écologique. En devenant père, je me suis mis à lire Collapse, de Jared Diamond et les écrits de Pablo Servigne (ndlr : l’inventeur de la collapsologie, aux côtés de Raphaël Stevens).
Je suis passé par une grosse phase de dissonance cognitive. S’opposaient ma passion pour mon métier, pour le voyage et ce qu’il faut faire.
J’ai toujours aimé voyager, pour aller vers l’autre et se retrouver soi-même. Le seul moyen de pérenniser cette philosophie était de contribuer à de nouveaux imaginaires de travail.
Soit je restais en Inde et je conçevais des voyages en Inde, destinés aux locaux. Soit je rentrais et je proposais des itinéraires en France, aussi dédiés aux locaux.
Malheureusement, j’avais déjà essayé de proposer des séjours aux Indiens, aux côtés de Jérémy (ndlr : Jérémy Grasset, co-fondateur de Shanti Travel).
Malgré le fait qu’on y était bien intégré, qu’on parlait hindi et qu’on pensait comprendre les codes… on s’est totalement plantés. Je ne voulais pas revivre ça.
J’ai donc choisi la deuxième option.
🎙️ D’où vient le nom « chemins » ?
💬 Il revenait en permanence et complétait parfaitement notre baseline : « voyage en quête de sens ».
On a tous des chemins différents et on va tous vers des chemins différents.
In fine, l’essentiel est d’avoir le même objectif : se rencontrer, apprendre, partager et rigoler ensemble, peu importe le chemin emprunté.
🎙️ Quelle est votre clientèle cible ?
💬 Notre cœur de clientèle est la famille, avec des parents généralement âgés de 35 à 55 ans, qui voyagent avec bébés de 7 mois, des ados et des post-ados.
On a déjà de bons retours sur la partie loisirs, que ce soit en couple, en famille ou entre potes.
On a déjà eu des grands-parents de 80 ans qui viennent voyager avec leurs enfants. Sur plus de 300 voyageurs, 12 d’entre eux avaient plus de 80 ans. Ils voyagent sur la 3G, les trois générations.
Ils créent des souvenirs extraordinaires de famille qui leur étaient alors impensables.
🔎 Retrouvez le skip-gen travel, cette tendance de fond sur le numéro de Paradigme consacré aux tendances du tourisme en 2024 :
On commence tout juste à cibler les entreprises. On a développé à l’automne des modules pour les entreprises, codir et autres team buildings.
L’idée est d’aider les entreprises à réfléchir à leur transition, en incluant au sein de leur séjour des ateliers portant sur l’intelligence collective, la RSE et les nouveaux récits en lien avec la transition écologique et solidaire.
🎙️ Quelle est la mission de Chemins ?
💬 On veut aller plus loin qu’un « Vis ma vie » avec la rencontre du vigneron ou du fromager. Nous souhaitons rencontrer des porteurs de projet dans la transition.
C’est particulièrement facile dans le cas dans la BioVallée de la Drôme, avec des projets privés portant sur la gestion de l’eau, les énergies renouvelables, la gestion des déchets ou l’intelligence collective liés autour d’un tissu associatif incroyable.
J’ai observé que les parents shiftent grâce au regard de leurs enfants.
Quand Bruno l’apiculteur parle du monde des abeilles et de l’impact des pesticides, les enfants n’arrêtent pas d’en parler. Forcément, ça finit par déteindre sur les parents.
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🎙️ Comment sont conçus et organisés vos voyages ?
💬 On a notre propre flotte de vélos électriques, composée de yubas long tail, assortis de batteries à très haute performance qui permettent de faire plus de 100 kilomètres à pleine charge. Pour les enants et pré-ados, on propose des vélos électriques 24 et 26 pouces, ainsi que des carrioles pour les tout petits.
Nous sommes organisés autour de 3 camps de base : Montélimar, Tain-l’Hermitage (au nord de Valence) et Die dans le Vercors.
On est sur un territoire très circonscrit, réparti entre l’Ardèche, la Drôme et le Nord-Vaucluse). C’est d’ailleurs une grande partie du kiff de notre métier : on peut faire toute notre prod en interne avec un repérage constant.
Côté business, on dépend de nombreux partenaires, dont les artisans, producteurs, restaurateurs, artistes, loueurs de canoë…
🎙️Tu disais que le vélo électrique est la deuxième plus belle invention du siècle après Internet, tu le penses toujours ?
💬 Je fais tous les jours du vélo électrique, et c’est vraiment du sport ! Deux fois par semaine, je pars pour 1h30, au minimum, sur un D+ de 1000m.
Je parcours plus de kilomètres, je vois plus de pays. A 25km/h, on est sur une notion de voyage vraiment lent.
Les sports qui m’éclatent sont le vélo, la course à pied et l’escalade. Ce sont des sports de fond qui mettent dans une méditation, une ambiance.
Tu ne vas pas trop vite, tu ne risques pas de te faire très mal, tu peux être dans ta bulle.
🎙️ Pourquoi proposer une méhari à la location ? C’était l’étape logique après le vélo ?
💬Devant la maison de mes parents, je voyais tout le temps passer une méhari, chargée de pommes à l’arrière. J’en rêvais en tant qu’enfant.
En 2021, je suis tombé sur cette méhari électrique produite par une petite boîte en Ardèche. Ce n’est certes pas la mienne, mais celle de Chemins.
Avec, on ne va jamais trop vite, on décapote, on se sent en pleine nature. Ça reste proche du slow travel, ça ne fait pas de bruit et ça ne pue pas.
Mais avec un peu de recul, la Méhari n'entre pas vraiment dans l'univers de Chemins, qui est focus sur le vélo...… et ça a tendance à alourdir notre prod. Aujourd’hui, elle ne concerne que quelques demandes, majoritairement à caractère inclusif.
🎙️ Quelles sont vos pistes de développement ?
💬 On aimerait ouvrir de nouveaux territoires. Et pour ça, on n’imagine pas travailler seuls, mais plutôt travailler sous forme de réseau.
On resterait garants de l’offre de Chemins, portée par des partenaires qui aimeraient monter leur propre camp de base et investir sur leur propre parc de vélos (en bénéficiant de nos conseils et de nos adresses). On garderait la main sur la commercialisation et la co-prod.
Notre offre demande de connaître nos zones d’opération sur le bout des ongles, beaucoup plus que pour des séjours en voiture ou en train. Ainsi, nos partenaires pourraient apporter toute leur connaissance du territoire.
Une chose est sûre, on ne peut pas tout faire. Difficile de passer de l’atelier de réparation de vélos à la vente, à la comptabilité, à la communication et à la prod.
🎙️ Comment sont sélectionnés les hébergements ?
💬 Comme tous les repérages, ça commence par du Google, Google Earth et du Google Maps à fond, en gros gros zoom. Une fois que les itinéraires sont dégrossis, avec des pistes, des beaux villages et des endroits authentiques sans touriste, on va sur le terrain rechercher les partenaires, puis les hébergeurs.
On a de la chance d’avoir du tourisme vert depuis longtemps en Drôme Ardèche. Il y a de nombreux mas et bastides. Ça va du camping à la ferme avec location de matériel de camping jusqu’au château 4 étoiles, en passant par des maisons d’hôtes et même des yourtes.
Le seul fil rouge sur tous ces hébergements, c’est qu’ils doivent impérativement s’intégrer à la perfection sur leur territoire et leur environnement immédiat. Également, il est indispensable que les propriétaires y garantissent l’accueil.
Le prix « à partir de », affiché sur le site, est calculé sur un hébergement relativement classique, type glamping. Ensuite, on passe du temps au téléphone avec chaque prospect pour définir précisément leurs motivations de voyage et leurs envies de confort pour proposer des séjours sur-mesure, cousus main, tant sur le rythme que sur les découvertes.
🎙️ Avez-vous conclu des partenariats avec des offices de tourisme ?
💬 On est en contact avec les OT des territoires sur lesquels on propose des voyages et itinéraires. Elles nous aident à identifier des partenaires, des lieux ou des hébergements.
On fait parfois des opérations de communication avec les agences départementales du tourisme (ADT) et les comités régionaux du tourisme (CRT).
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🎙️ Selon toi, le slow travel est-il un modèle élitiste ?
💬 Tout le tourisme devient élitiste. Même les campings se massifient, deviennent chers et inaccessibles pour les classes populaires.
En revanche, quand tu prends l’ensemble de la classe moyenne supérieure en France, son bilan carbone est clairement plus mauvais que la classe moyenne inférieure et la classe populaire.
D’une certaine manière, d’un point de vue purement climatique, c’est certainement la classe socio-professionnelle vers laquelle il faut amener le plus rapidement possible d’autres imaginaires de voyage et d’autres récits.
Demain, le voyage en train sera facilité pour les longs trajets. On aura aussi de plus en plus de voyages en voiliers, débouchant sur des bus et des taxis collectifs.
À partir du moment où les leaders d’opinion s’emparent d’une nouvelle tendance, comme le slow travel, on peut être relativement certains qu’un grand nombre de personnes s’y mettra d’ici 10-15 ans.
🎙️ Comment mieux répartir les flux touristiques ?
💬 Il faut revoir notre rapport au temps.
Les Français qui voyagent en dehors de la France restent une minorité, mais concentrent le plus gros pouvoir d’achat et la plus grosse fréquence de déplacements.
Moins ils vont voyager à l’étranger, plus ils vont voyager en France.
Chez Chemins, entre le 14 juillet et le 25 août, on ne propose aucun voyage qui passe par les gorges de l’Ardèche. On propose des voyages hors des sentiers battus. On propose d’éviter les goulots d’étranglement.
Toutefois, avant qu’on puisse parler de massification de territoires comme ceux de la diagonale du vide en France, il va se passer quelques années.
J’étais aux rencontres de Die la semaine dernière, lors de l’événement « Agir pour le vivant » avec Rodolphe Christin et Camille Etienne.
J’ai été frappé par l’intervention d’une participante d’une soixantaine d’années, qui a dit « l’important c’est de rester ou on est et de découvrir son environnement quotidien ».
Ok, c’est très bien, mais cette personne a probablement déjà vu autre chose dans sa vie.
Je crois sincèrement qu'il est important de continuer de voyager, en France, en Europe, mais aussi dans le monde, car nos micro-aventures ne remplacent pas l'expérience d'un long voyage dans des pays aux cultures différentes de la nôtre.
J'espère que l'ailleurs restera désirable dans l'avenir car il est facteur de paix, dès lors qu'on prend le temps de la rencontre.
Merci à Alexandre Le Beuan d’avoir consacré de son temps pour partager sa vision du tourisme et les aspects business de sa nouvelle entreprise.
⬇️ Si tu as des questions sur Chemins, que tu souhaites partager ton point de vue sur cette initiative ou d’autres projets qui te fascinent, on se retrouve en commentaires. ⬇️
Considère cet espace comme un territoire d’expression libre, sans jugement, créé pour le débat vertueux.
On se retrouve très vite pour un nouveau numéro de Paradigme. On reviendra sur une dimension plus marketing avant d’aborder un énorme sujet de débat sur lequel vous aurez tous votre mot à dire.
📣 D’ailleurs, si tu es agent de voyages ou à la tête de ta propre structure, contacte-moi en MP sur LinkedIn. Je recherche des témoignages des pros du secteur. 📣
On se retrouve très vite pour un nouveau numéro,
Théo
Une démarche intéressante ! Ce qui me frappe, c'est un détail : il évoque "des endroits authentiques sans touriste" et "des voyages hors des sentiers battus". Ça semble une nouvelle constante, cette recherche loin des foules, et en même temps, c'est toujours des projets touristiques, qui vont amener des touristes à des endroits jusque-là épargnés, dira-t-on. Après, j'ai bien conscience que son agence ne vise pas à mettre en place un tourisme de masse, mais si ça marche, que d'autres copient l'idée ou en développent dans le même genre, on se retrouve au final avec beaucoup de touristes. Ou c'est moi qui suis pessimiste et veux voir le mal partout ? Telle que décrite, l'expérience a l'air très sympa, même si le vélo n'est pas une option pour moi !